Henry Grew (1781-1862)
Ils ont travaillé dans le “ champ ” avant la moisson
LES disciples du grand Enseignant étaient perplexes.
Jésus venait de leur raconter une courte histoire où il
était question de blé et de mauvaise herbe, l’une
des nombreuses paraboles qu’il prononça ce jour-là.
Une fois qu’il eut terminé, la plupart de ses auditeurs
s’en allèrent. Mais les disciples sentaient qu’il
devait y avoir une signification particulière à ces
paraboles — notamment à celle du blé et de la
mauvaise herbe. Ils savaient que Jésus n’était pas
un simple conteur.
Selon Matthieu, ils lui demandèrent :
“ Explique-nous l’exemple de la mauvaise herbe dans le
champ. ” En réponse, Jésus interpréta
la parabole, annonçant qu’une grande apostasie se
développerait parmi ceux qui se diraient ses disciples (Matthieu
13:24-30, 36-38, 43). C’est effectivement ce qui s’est
passé, et l’apostasie s’est rapidement
propagée après la mort de l’apôtre Jean
(Actes 20:29, 30 ; 2 Thessaloniciens 2:6-12). Son ampleur a
confirmé le bien-fondé de cette question de Jésus,
rapportée en Luc 18:8 : “ Lorsque le Fils de
l’homme arrivera, trouvera-t-il vraiment la foi sur la
terre ? ”
La venue de Jésus marquerait le point de départ de
“ la moisson ” des chrétiens
assimilés à du blé, laquelle constituerait un
signe de ‘ l’achèvement du système de
choses ’ (en cours depuis 1914). Nous ne devrions donc
pas être surpris qu’on ait commencé à
s’intéresser à la vérité biblique
durant la période précédant le début de la
moisson. — Matthieu 13:39.
Un examen des faits historiques révèle que,
particulièrement depuis le XVe siècle, les choses
ont bougé dans les esprits, y compris au sein de la
chrétienté, la “ mauvaise herbe ”
composée de pseudo-chrétiens. Lorsqu’il est devenu
facile de se procurer des bibles et que des concordances ont
été disponibles, des hommes sincères ont entrepris
de fouiller les Écritures.
La lumière brille
Parmi ces hommes figurait un Anglais originaire de Birmingham, Henry Grew (1781-1862).
À l’âge de 13 ans, il s’était
embarqué avec sa famille pour les États-Unis, où
ils étaient arrivés le 8 juillet 1795. Ils
s’étaient établis à Providence, dans le
Rhode Island. Ses parents lui avaient insufflé l’amour de
la Bible. En 1807, alors qu’il avait 25 ans, Grew fut
invité à devenir pasteur de l’Église
baptiste de Hartford (Connecticut).
Il prit à cœur ses responsabilités
d’enseignant et s’efforça d’aider ceux dont il
avait la charge à vivre en harmonie avec les Écritures.
Il jugeait cependant nécessaire de garder la congrégation
pure de toute personne qui pratiquait volontairement le
péché. Parfois, lui et d’autres responsables de
l’Église se voyaient obligés de renvoyer,
d’exclure, certains qui commettaient la fornication ou
s’adonnaient à d’autres pratiques impures.
D’autres situations au sein de l’Église le
souciaient. Des hommes qui n’en étaient pas membres
géraient les affaires de la paroisse et dirigeaient les chants
lors des offices. Ces hommes avaient également un droit de vote
quant aux affaires de la congrégation et, de ce fait, ils
exerçaient une emprise sur elle. Fort du principe de la
séparation d’avec le monde, Grew était convaincu
que seuls des hommes fidèles devraient assumer ces fonctions
(2 Corinthiens 6:14-18 ; Jacques 1:27). Selon lui, autoriser
des incroyants à chanter des louanges à Dieu constituait
un blasphème. Cette prise de position lui valut
d’être renvoyé de l’Église en 1811.
D’autres membres qui partageaient son point de vue firent alors
sécession.
Ils se séparent de la chrétienté
Ensemble, ils commencèrent à étudier la Bible,
bien décidés à suivre sa direction dans leur vie.
Cette étude leur procura rapidement une meilleure
compréhension de la vérité biblique et les amena
à dévoiler les mensonges de la chrétienté.
Par exemple, en 1824 Grew rédigea une réfutation bien
étayée de la Trinité. Notez la logique de son
raisonnement dans cet extrait de ses écrits :
“ ‘ Quant à ce jour-là, et à
cette heure-là, aucun homme ne sait, ni les anges qui sont dans
les cieux, ni le Fils, mais le Père seul. ’ [Marc
13:32, King James version ; voir Évangile de Marc,
traduction de Claude Tresmontant]. Observez la progression :
l’homme, les anges, le Fils, le Père. [...] Notre Seigneur
nous enseigne que seul le Père connaissait ce jour, ce qui
serait faux si, comme certains le prétendent, le Père, la
Parole et l’Esprit Saint étaient trois personnes en un
seul Dieu ; car, selon cette [doctrine de la Trinité,] le
[...] Fils devait le savoir aussi bien que le Père. ”
Grew dénonça l’hypocrisie des membres du
clergé et des chefs militaires qui avaient la prétention
de servir le Christ. En 1828, il déclara :
“ Peut-on concevoir plus grande incohérence
qu’un chrétien sortant de sa chambre intérieure,
où il vient de prier pour ses ennemis, et ordonnant à ses
troupes de plonger sauvagement leurs armes meurtrières dans le
cœur de ces mêmes ennemis ? D’un
côté, il imite magnifiquement son Maître agonisant,
mais de l’autre, à qui ressemble-t-il ? Jésus
a prié pour ses assassins ; des chrétiens
assassinent ceux pour qui ils prient. ”
Avec encore plus de force, Grew écrit : “ Quand
nous déciderons-nous à croire le Tout-Puissant, qui nous
assure qu’on ne ‘ se moque point ’ de
lui ? Quand comprendrons-nous enfin la nature, le génie, de
cette religion sainte qui nous demande de nous abstenir même de
‘ ce qui a quelque apparence de mal ’ ?
[...] N’est-ce pas calomnier le Fils du Béni que de
prétendre que la religion qu’il a instaurée
requiert d’un homme de se comporter en ange dans un certain
domaine, et lui permet d’agir en démon dans un
autre ? ”
L’éternité n’est pas inhérente à l’homme
Avant l’apparition de la radio et de la télévision,
un moyen courant de faire connaître son point de vue consistait
à écrire et à distribuer des tracts. C’est
ce que fit Grew en 1835 pour dénoncer le caractère non
biblique des enseignements de l’immortalité de
l’âme et de l’enfer de feu, doctrines qui, pour lui,
déshonoraient Dieu.
Son tract allait avoir une influence considérable. En 1837,
George Storrs, âgé de 40 ans, en trouva un exemplaire
dans un train. Né à Lebanon, dans le New Hampshire, il
habitait alors à Utica (État de New York).
Storrs était un pasteur très respecté de
l’Église méthodiste. À la lecture du tract,
il fut impressionné qu’on puisse contester avec une telle
force des enseignements de base de la chrétienté auxquels
il avait toujours cru. Il ne savait pas qui avait rédigé
ce tract, et ce ne fut que des années plus tard, pas
avant 1844, qu’il rencontra Henry Grew, alors que tous deux
vivaient à Philadelphie, en Pennsylvanie. Cependant, Storrs
étudia la question par lui-même pendant trois ans,
n’en parlant qu’avec d’autres pasteurs.
(...) Grew continua de
prêcher avec zèle jusqu’à sa mort, le
8 août 1862, à Philadelphie.
Ils n’ont pas dissipé toutes les zones d’ombre
Des hommes tels que Henry Grew et George Storrs comprenaient-ils la
vérité aussi clairement que nous aujourd’hui ?
Non. Ils avaient conscience du combat qu’ils menaient, ce que
révèle cette déclaration de Storrs datant de
1847 : “ Nous ferions bien de nous rappeler que nous
venons tout juste d’émerger de l’âge des
ténèbres de l’Église, et il n’y aurait
rien de surprenant à découvrir que nous portons encore
quelques ‘ vêtements babyloniens ’ que nous
croyons être vérité. ” Henry Grew, par
exemple, attachait beaucoup de prix à la rançon fournie
par Jésus, mais il n’avait pas compris qu’il
s’agissait d’une “ rançon
correspondante ”, c’est-à-dire de la vie
humaine parfaite de Jésus donnée en échange de la
vie humaine parfaite perdue par Adam (1 Timothée 2:6). Il
croyait également à tort que Jésus reviendrait et
régnerait de manière visible sur la terre. Toutefois, il
se souciait réellement de la sanctification du nom de
Jéhovah, une question dont très peu de gens
s’étaient préoccupés depuis le
IIe siècle de notre ère.
George Storrs non plus n’avait pas une bonne compréhension
de certains points importants. Il était en mesure de discerner
des mensonges perpétrés par le clergé, mais il
donnait parfois dans l’autre extrême. Par exemple,
s’opposant manifestement d’une manière excessive
à la façon dont le clergé traditionnel
considérait Satan, il refusait l’idée que le Diable
fût une personne réelle. Il rejetait la Trinité, et
pourtant, peu de temps avant sa mort, il se demandait encore si
l’esprit saint était ou non une personne. Même
s’il s’attendait à ce que le retour de Christ soit
dans un premier temps invisible, il croyait que par la suite il y
aurait une apparition visible. Néanmoins, il semble que ces deux
hommes étaient sincères, et ils se sont approchés
beaucoup plus près de la vérité que bien
d’autres.
Le “ champ ” que Jésus mentionne dans la
parabole du blé et de la mauvaise herbe n’était pas
encore tout à fait prêt à être
moissonné (Matthieu 13:38). Grew, Storrs et d’autres
travaillaient dans le “ champ ” en
préparation pour la moisson.
Charles Russell, qui commença à publier le présent
périodique en 1879, écrivit au sujet de ses
premières années : “ Le Seigneur nous a
accordé de nombreuses aides dans l’étude de Sa
Parole, parmi lesquelles figure en bonne place notre bien-aimé
et vénérable frère George Storrs qui, par la
parole et par la plume, nous a été d’un grand
secours. Cependant, nous nous sommes toujours efforcés de ne pas
suivre des hommes, aussi bons et sages soient-ils, mais
d’être ‘ les imitateurs de Dieu, comme
étant ses enfants bien-aimés ’. ”
Ainsi, les étudiants sincères de la Bible ont pu
bénéficier des efforts d’hommes comme Grew ou
Storrs, mais il était toujours aussi important d’examiner
la Bible, la Parole de Dieu, comme la vraie source de la
vérité. — Jean 17:17.
Ce que croyait Henry Grew
Le nom de Jéhovah a été discrédité, et il faut le sanctifier.
La Trinité, l’immortalité de l’âme et l’enfer de feu sont des doctrines erronées.
La congrégation chrétienne doit se tenir séparée du monde.
Les chrétiens ne doivent pas participer aux guerres des nations.
Les chrétiens n’ont pas à respecter le sabbat,
qu’il s’agisse d’un samedi ou d’un dimanche.
Les chrétiens ne doivent pas appartenir à une
société secrète, telle que la
franc-maçonnerie.
Il ne doit pas y avoir de distinction clergé-laïcs chez les chrétiens.
Les titres religieux viennent de l’antichrist.
Toutes les congrégations doivent avoir un collège d’anciens.
Les anciens doivent être saints dans toute leur conduite, exempts de reproches.
Tous les chrétiens doivent prêcher la bonne nouvelle.
Des humains vivront pour toujours dans un paradis sur la terre.
Les chants chrétiens doivent être des louanges à Jéhovah et à Christ.
w00 15/10 p. 25-30